Namibie

Namibie

UNE CLAQUE PAR JOUR

La Namibie offre la possibilité de voyager en totale autonomie à travers des déserts magnifiques et des zones riches en faune sauvage. C’est en avril 2018 que je me suis envolé pour découvrir ce superbe pays.
Par Philippe Raynaud

VOYAGE EN PROFONDEUR
Avec un peu plus de préparation, une bonne carte Tracks4Africa, et la location d’un 4×4 costaud, il est possible de visiter la Namibie loin des parcours classiques, en s’enfonçant dans les déserts et les zones les plus reculées. J’ai choisi de concentrer mon voyage sur le Damaraland et le Kaokoland, deux régions parmi les plus sauvages de Namibie, dans lesquelles vit une faune abondante.

J’avais réservé longtemps à l’avance un Toyota Landcruiser 79 équipé d’une cellule AluCab, et surtout parfaitement préparé pour les raids en profondeur.

PREMIER SOIR
Au pied des formations rocheuses du Spitzkoppe, la Namibie offre tous les fondamentaux qui plaisent tant : un coucher de soleil magique, un ciel étoilé à n’en plus finir, une température parfaite, une délicieuse absence de mouches et de moustiques, et une belle plongée dans les sensations de l’Afrique.

Le lendemain, je fais une escale à Cape Cross, lieu de villégiature d’une immense colonie d’otaries, qui s’y prélassent par milliers. J’arrive tôt le matin pour être seul et enchaîner les photos. Avant l’arrivée des touristes, je prends la direction du Damaraland, par les pistes.

MESSUM CRATER, SEUL SUR MARS
J’avais repéré sur les cartes cette zone désertique coincée entre l’océan et le mont Brandberg, et surtout composée d’un immense cratère de 22 km de diamètre, accessible par deux pistes le traversant.
Pour pouvoir aller à Messum Crater, il faut un permis délivré à Henties Bay. Le ranger m’informe qu’en cette saison j’y serai tout seul, et me déconseille d’y bivouaquer. Je découvre par la même occasion les vraies pistes de Namibie, qui n’ont rien à voir avec les confortables gravel road. La tôle ondulée est omniprésente, et les ondulations sont énormes. Je teste plusieurs vitesses entre 25 et 100 km/h, impossible de trouver un rythme confortable, la voiture vibre de toutes ses forces et le trajet s’avère difficile à supporter. Le point faible dans ce cas, ce sont les soudures, et le support d’une des roues de secours va céder sous les vibrations.
Messum Crater se profile, et là le paysage est saisissant. Il se compose d’un désert de sable clair, entouré de montagnes noires et acérées, offrant l’impression de voguer sur un lac jaune au milieu de cet environnement minéral. On se croirait dans le film « Seul sur mars ». De très nombreuses pistes permettent de découvrir tout le cratère, et plusieurs passages techniques offrent la possibilité de franchir des cols au milieu de cet impressionnant phénomène géologique. Le coup de cœur est immédiat.

LE CHARME DE S’ÉGARER
Le voyage se poursuit par Desolation Valley, une très longue piste permettant de rejoindre en deux jours le village de Twyfelfontein. Après un début assez technique, dans des gorges encaissées et très pierreuses, la piste prend de l’altitude et offre à nouveau des paysages sublimes, sans aucune trace humaine. Cette partie de la Namibie est constituée d’une succession de chaines de montagnes, espacées par des vallées soit de sable, soit de pierre, soit d’oasis. Les vallées de sable sont les plus belles, mais les oasis contrastent étonnamment en offrant une végétation luxuriante, hébergeant faune et flore en abondance.
Dans les vallées sablonneuses, la piste disparait régulièrement, alors que dans les vallées de pierre, elle se sépare souvent en différentes traces. Il faut naviguer un peu à vue et surtout au cap, mais le GPS Garmin 276CX rappelle à l’ordre si je dévie trop de l’itinéraire prévu. Je vais tout de même m’égarer 2-3 fois, mais ça fait partie du charme de l’aventure. Dans les lits de rivière, le problème vient des roseaux qui sont plus hauts que le 4×4.
A la sortie d’un petit gué, la piste se sépare brutalement. Je rate ma manœuvre et m’ensable lamentablement. Je sors du Toyota pour dégonfler les pneus et désensabler un peu. Je ne fais pas le malin, car je n’ai aucune visibilité des éventuels animaux, les roseaux encadrant littéralement le 4×4.
Jusque Twyfelfontein, toujours pas d’éléphant, par contre les rencontres s’enchainent avec des antilopes, des oryx, des girafes, des singes, des autruches, tous vivant loin de l’homme, en totale liberté.

PISTES A RISQUES
Il est cependant temps de trouver du gazole, car malgré les 180 litres de réservoir du Toyota, le 4×4 sera bientôt à sec. Twyfelfontein offre une station essence réduite au minimum : un réservoir, un gros cadenas et une pompe. Le prix au litre est bien plus élevé que dans les stations normales.
L’après-midi, je tente la piste de Doros Crater et surtout le fameux Divorce pass. Cette piste très pierreuse est sinistrement connue par y avoir recensé quelques décès dans les années 2000, des Européens ayant eu des pannes mécaniques ont tenté en vain de rejoindre un village à pied. La difficulté du terrain, la chaleur, l’absence d’ombre et d’eau, la distance, ne leur ont malheureusement laissé aucune chance. Depuis, il n’est plus autorisé d’y voyager seul. Je vérifie par précaution que mon téléphone satellite fonctionne bien, et j’attaque la piste. Elle n’est finalement pas si compliquée que ça, du moins pour cet extraordinaire LandCruiser 79. Le plus difficile est effectivement le fameux « Divorce pass », une descente très raide, faite presque uniquement de belles marches et de pierres coupantes, suivi d’une montée tout aussi technique. Le risque réel est de casser quelque chose et de se retrouver coincé dans la cuvette, où même la couverture satellite est limitée.

MAIS OÙ SONT PASSÉS LES ELEPHANTS ?
Il est temps de quitter le Damaraland pour rejoindre le Kaokoland, en faisant un détour par Skeleton Coast, la superbe route du sel qui longe l’océan. Après quelques heures de gravel road, j’arrive à la Vet Fence, barrière vétérinaire qui coupe la Namibie en deux d’est en ouest, et qui a pour mission de stopper les maladies animales en provenance de l’Angola.
Je refais le plein hors de prix à la citerne-pompe qui jouxte le check-point. J’arrive à Palmwag Area, une concession privée de 200 km de long sur 100 km de large, qui dispose juste d’un lodge à son entrée. Le responsable m’explique que c’est la basse saison et donc que je serai totalement seul sur ce territoire immense. Il s’en inquiète un peu mais il finit par me laisser y aller, en payant seulement une cinquantaine d’euros. Un territoire grand comme un département pour moi tout seul, pour 50 euros, quel luxe !

Je ne serai pas déçu, cette zone totalement désertique m’offrira les plus beaux bivouacs de cette aventure, et me permettra de rencontrer à nouveau de nombreux animaux. Sur la partie nord, la succession de collines laisse place à un désert parfaitement plat, d’une couleur rouge foncé, sans aucune végétation. C’est l’occasion de faire de belles marches, en laissant sans risque le 4×4 tout seul. Je garde sur moi le téléphone satellite et beaucoup d’eau.
La journée se finit en installant le bivouac sur un emplacement magique, sur une colline, face au désert. Quel plaisir !

UNE RENCONTRE DE POIDS
Je quitte avec regret cette concession trois jours plus tard, et entre sur le lit de la rivière Hoanib. Roulant calmement dans le sable, au milieu de dizaines d’oryx, je tombe nez à nez sur une famille complète d’éléphants, avec une vingtaine de membres, de tous âges. Bébé éléphant trône fièrement au milieu de la tribu, bien surveillé par sa maman qui me fixe en battant des oreilles. Je reste à bonne distance, dans le 4×4, moteur coupé pour ne pas les déranger mais près à démarrer. Je resterai une bonne heure à les observer, écouter, sentir, ce fut un moment grandiose, et pour moi la consécration de ce voyage.

PRESQUE A SEC
Je passe la journée à rencontrer de nombreux animaux et j’arrive enfin à Sesfontein pour faire le plein. Malheureusement, mon portefeuille est presque aussi vide que les réservoirs, j’avais mal calculé la consommation et le coût du carburant.. Je mets donc uniquement 60 litres, gardant un peu de cash « au cas où », et prends la direction de Kamanjab, au sud d’Etosha. Il y a 250 km à faire, dont une bonne centaine de kilomètres de piste technique, ça devrait se faire tout seul …
Ce raccourci fut une belle erreu. Non seulement ces pistes sont hyper techniques, épuisantes, cassantes, mais en plus le paysage n’a aucun intérêt, et le terrain est infesté de serpents. Il a fallu plus de 8 heures pour parcourir ces 100 km.
Le lendemain, les réservoirs sont presque à sec, il faut rouler tout doucement pour rejoindre Kamanjab, cette satanée piste ayant consommé tout le carburant.

COTOYER LE NAMIB
Il reste encore quelques belles journées avant le retour, et j’ai de plus en plus envie d’aller voir le Namib, ce fameux désert et ses dunes de 300 m de haut. Le problème, c’est qu’il est totalement fermé aux individuels. Seules les agences autorisées permettent de le traverser, soit en convoi, soit en s’entassant dans les 4×4 des agences, pour un prix exorbitant.
Cependant quelques blogs expliquent qu’il est possible d’obtenir un permis au ministère de l’environnement, à Swakopmund. Je m’y rends donc, un peu fébrile. Et c’est au premier étage, au bureau des permis, qu’une charmante dame m’informe que je peux recevoir ce permis pour deux jours, avec autorisation de bivouaquer dans un des Campsites, mais que c’est payant. Vu les prix des agences, je m’attends à un chiffre astronomique, et tombe de ma chaise quand la fonctionnaire me demande 16 euros !

Armé de mon précieux permis, je fonce vers le Namib et attaque cette superbe piste, coincée entre l’océan et les dunes. Le sable est bien profond, il faut sérieusement dégonfler les pneus. L’antique moteur du 79 n’est pas très à l’aise dans cet environnement. Rouler coincé entre une dune de 300 m et un océan pas vraiment calme, c’est assez impressionnant, on a le sentiment que le Namib pousse ses dunes vers l’océan et qu’on va finir englouti. Après une heure, c’est l’arrivée enfin à Sandwich Harbour. Je grimpe sur les dunes, en profite pour faire de superbes photos, à contempler cette chaine infinie de dunes, d’un jaune parfait, tranchant avec le bleu profond et froid de l’océan.

CONTRE VENTS ET MARÉE
J’attends une bonne heure avant de repartir en sens inverse, et j’oublie un détail : la marée ! Et elle monte, dangereusement. Je ne peux pas rouler à plus de 40 km/h, j’ai donc 30 minutes de piste bien stressantes, à voir les vagues lécher les roues du 4×4. Je sais, ce n’est pas bien malin, surtout que je connaissais bien le risque pour l’avoir lu à l’entrée de la zone.
Je sors de l’étroit couloir avec soulagement et trouve un super campsite dans un oasis planté au pied des dunes.
Il est temps de rentrer en Europe et de retrouver ma famille. Je quitte avec beaucoup de regrets ce pays magnifique, ces paysages majestueux, ces bivouacs magiques, cette faune extraordinaire, cette population très accueillante et ce fantastique Toyota !

—————————————————-

Le véhicule
Le Toyota LandCruiser 79 avec cellule AluCab loué chez Bushlore est totalement équipé et permets de vivre en totale autonomie pendant une semaine : 180 L de gazoil, 140 L d’eau, 3 batteries, 2 frigos, un panneau solaire, tout le matériel pour réparer, un compresseur, etc.. Difficile de faire mieux.
La cellule AluCab est totalement équipée, y compris l’auvent 270°. Elle offre un tout petit espace à l’intérieur, avec deux assises rudimentaires et très nombreux rangements.
Le LandCruiser 79 est un 4×4 extraordinaire, d’une efficacité redoutable, et surtout sans électronique.

Le matériel à apporter
– Absolument indispensables : un vrai GPS, un téléphone satellite, un bon couteau et une trousse de médicaments. Partir en solo dans ces déserts sans ces équipements relève du suicide.
– Au niveau photo, il faut prévoir un très bon objectif et installer un filtre UV sur l’objectif car le soleil est très fort de 10h à 16h.
– Les vaccins sont conseillés, surtout en prévoyant de passer la Vet Fence.

Le drone
J’utilise le dernier Parrot, le modèle ANAFI. Attention ! L’utilisation d’un drone en Namibie requiert un permis dispensé par l’Aviation Civile.

Le budget
Le billet A/R Europe-Namibie commence à 900 € en éco. La location du 4×4 coûte 140 euros par jour.
Pour le reste : rien. Les bivouacs sont évidemment gratuits, et les Campsites basiques coûtent 5 euros par nuit. Le diesel est à 0,70 euro le litre, sauf dans les déserts où parfois le prix double.