Kimberley et Pilbara

Kimberley et Pilbara

Entre Outback et océan indien

J’ai eu la chance de découvrir le centre de l’Australie en 2017, et en plus d’en avoir rapporté de nombreux souvenirs, j’en ai surtout ramené l’envie d’y retourner. C’est donc en avril 2018 que je suis reparti à l’aventure, mais cette fois dans l’ouest australien.

L’Australie n’a jamais été aussi proche de l’Europe, car depuis mars 2018, la compagnie Qantas a ouvert un vol direct depuis Londres. Cela permet de faire le trajet depuis la France en 18h, soit pas beaucoup plus que faire Paris-Nice en voiture lors d’un week-end d’été.

Le vol direct atterrit à Perth, la grosse ville du sud-ouest australien. Trop urbanisée pour moi, je repars immédiatement pour Broome, petite bourgade perdue du nord-ouest, et surtout porte d’entrée de deux magnifiques régions : Le Pilbara au sud et le Kimberley au nord.

A cette période de l’année, le mois d’avril, le Kimberley sort tout juste de plusieurs mois de saison des pluies. D’après les guides et sites spécialisés, il faut bannir le mois d’avril et préférer y venir en juin, car les pistes sont impraticables. Cependant en analysant les statistiques de pluie sur les 20 dernières années, la saison des pluies s’arrête mi-mars, et dès le 1er avril, la plupart des pistes principales sont praticables, du moins en 4×4.

J’avais d’abord envisagé parcourir la très célèbre Gibb River Road, mais je la réserve pour mes jumeaux, qui seront en âge de profiter de cette piste d’ici 1 à 2 ans. Alors en attendant, je commence mon périple par la partie sud, le Pilbara, histoire de laisser le Kimberley se sécher un peu.

Et pour rejoindre le Pilbara, il faut tirer tout droit plein sud sur la Northern Highway, une simple route à 2 voies, sur laquelle, malgré l’absence de séparateur central, nous avons le droit de rouler à 110 km/h ! Bon, pour une autoroute, c’est plutôt calme, je ne croise qu’une voiture toutes les 30 minutes. Alors il est d’usage de se saluer quand on se croise.

Je fais mon premier bivouac à Cape Kerauden, petit espace protégé sur l’océan indien, qui abrite une zone de nidification de tortues de mer. Ici, interdiction de rouler sur le sable, priorité à cette faune si fragile. Je profite de ce premier bivouac pour analyser la cellule Trayon qui est montée sur le Hi-Lux. Et force est de constater que ce concept de toit basculant est vraiment intéressant. D’abord parce que la zone de vie de la cellule m’offre beaucoup d’espace, et me permet de tenir parfaitement debout, malgré mon 1m90, ensuite parce que le lit est immense (140*200), et enfin parce que le toit retourné fait office de protection contre le soleil et la pluie, et évite l’installation supplémentaire d’un store.

Le Pilbara

Dès le lendemain, je quitte le goudron pour attaquer le Pilbara par les chemins de traverse. A noter que les 2.000 prochains km seront presque exclusivement hors goudron.

Le Pilbara est le plus grand comté d’Australie, et en même temps l’un des moins peuplé. Avec une superficie identique à la France, mais avec seulement 40.000 habitants, dont la plupart regroupé sur les quelques villes côtières, le Pilbara offre l’une des densités d’habitants les plus faibles de la planète. Son territoire est composé de déserts typiques de l’Australie, très riche en minéraux, et de nombreuses gorges impressionnantes, protégées par deux parcs nationaux, le Karijini et le Karlamilyi.

Ce coin perdu de l’Australie n’est pas encore trop envahi par les touristes, car loin des spots les plus recherchés, mais les mois de juillet-août voient arriver beaucoup d’Européens et de Chinois, qui font en mode express le trajet Perth – Darwin.

Je commence par traverser une réserve aborigène. Les panneaux d’accueil insistent fortement sur l’interdiction de transporter et consommer de l’alcool, avec des amendes très dissuasives. Je n’ai que quelques bières dans la cellule, j’espère tout de même ne pas avoir d’ennui. Finalement je rejoins Marble Bar, la ville la plus chaude d’Australie, petit oasis perdu au milieu d’une fournaise à plus de 40 degrés. C’est l’occasion de remplir les 140 litres du réservoir du Toyota avant d’aller plus loin dans le désert.

Je prends les pistes pour rejoindre Karijini NP, présenté comme l’un des plus beaux parcs nationaux de l’ouest de l’Australie. Et effectivement les gorges protégées par ce parc immense sont impressionnantes. Elles se découvrent en randonnée, parfois assez technique, et permettent de fuir la chaleur écrasante des plateaux. Les gorges offrent une végétation luxuriante, de nombreuses espèces d’oiseaux, des araignées aux dimensions XXL, et de belles piscines naturelles où il est possible de se rafraîchir avec bonheur.

Comme tous les parcs australiens, ici tout est propre, bien indiqué, bien organisé. Les panneaux expliquent avec beaucoup de détail la difficulté de chaque “Trail”, et la nécessité d’être bien chaussé et d’avoir de l’eau. Et malheureusement comme cela devient trop souvent le cas, certains touristes ont l’air de revenir de la plage, en tongues et avec une mini bouteille d’eau à la main. J’ai pu assister avec consternation à une engueulade en règle d’un couple de français, dont le monsieur était épuisé et assoiffé. Forcément, en tongues …

Le bivouac est interdit dans ce parc, je dois donc me rabattre sur l’un des deux campings du parc. Super environnement, super couché de soleil, mais trop de campeurs disposent d’un générateur, et jusqu’à 20h, c’est un concert désagréable. Il est temps pour moi d’aller dans le désert, le vrai, loin des touristes, des bruits de moteurs et des problèmes de tongues.

Karlamilyi (ex Rudall River)

Le lendemain, lever aux aurores pour quitter la civilisation et partir à l’assaut de l’outback. Ma destination est le Karlamilyi National Parc, le parc le plus reculé d’Australie, et l’un des plus grands. Sa surface avoisine celle de la Belgique, et sa population se limite à deux hameaux d’aborigènes.

Pas besoin d’ouvrir votre Guide du Routard, le Karlamilyi n’est dans presque aucun guide touristique, même local. Sur Tripadvisor, il n’y a qu’un seul commentaire, c’est dire (depuis il y a deux, le deuxième est le mien ! ). Le site officiel du Pilbara explique que l’accès est très difficile, qu’il faut parcourir plus de 900 km sans trouver d’essence, et que les pistes sont très difficiles. Le voyage en solo est fortement déconseillé. Je suis donc averti.

Avant d’attaquer les pistes, je passe à Newman, une vraiment jolie bourgade, porte d’entrée du désert. Très riche grâce aux nombreuses compagnies minières qui peuplent le Pilbara, Newman offre tous les commerces nécessaires pour préparer son voyage dans le désert. J’en profite pour acheter un jerrycan de 20 litres, les 140 litres du réservoir LongRange du Toy ne m’offrant pas assez de sécurité en cas de détour. Je vais aussi me déclarer au Visitor Center, ce qui est très conseillé quand on part seul dans le désert. Ils prennent mon numéro de téléphone satellite et ma date estimée de retour à la civilisation. Ils m’annoncent que je suis le premier de l’année à venir me déclarer, et ne me rassurent qu’à moitié avec un souriant “Be safe”.

Et là, ça y est, je retrouve ce qui me plait le plus dans ce type d’aventure, se retrouver seul dans l’immensité du désert. Après quelques heures de piste sympa et une petite crevaison, j’attaque l’entrée sud du parc. Impraticable avec une voiture normale, la piste se fait correctement en 4×4. Il faut dire que le Hilux est un super engin, et sa suspension renforcée et réhaussée est parfaitement adaptée. Après quelques heures de pistes, je monte mon bivouac en surplomb d’une petite rivière, avec une vue à 360 degrés sur le désert.

Ambiance féérique, faune abondante, température douce, ciel étoilé sans aucune pollution lumineuse, le désert m’offre ses fondamentaux. Quel plaisir.

Le lendemain, j’attaque la piste pour Desert Queen Bath, une petite gorge perdue au fond d’une piste très technique. Il faut compter 2 heures pour parcourir 20 km. Et effectivement, je mettrai 2 heures. Le plus dur vient du danger que représente le Spinifex, ces très hautes herbes qui s’enflamment très facilement, et qui ont détruit nombre de 4×4. La piste traverse de nombreux champs de Spinifex. Il ne faut surtout pas s’arrêter, quelque soit la difficulté rencontrée. Je dois nettoyer les radiateurs toutes les 30 minutes, car il commence à régner une odeur de pop-corn dans le pick-up. Pas très rassurant, car si mon Toyota prend feu, je me sentirai un peu seul à 350 km de la première ville …

L’entrée de la gorge est barrée par plusieurs toiles d’araignées, dont la surface avoisine les 4 m2. J’essaie de ne pas détruire un tel travail, en rampant par endroit, priant pour ne pas rencontrer l’architecte de ces toiles. Après l’effort le réconfort, les gorges offrent leur piscine naturelle à l’eau bien claire, permettant de s’assurer qu’il n’y a pas trop de bêbête au fond de l’eau. Je resterai plusieurs jours dans le Karlamilyi, sans jamais croiser personne. Ca devient par moment un peu déstabilisant de parcourir autant de distance sans croiser un seul humain.

Je profite aussi de cet espace et de sa liberté pour améliorer la manipulation de mon drone. J’arrive après pas mal d’essais à conduire d’une main et piloter le drone de l’autre, tout en roulant à une allure assez correcte. Mon drone arrive à me suivre à 60km/h, cela offre des films vraiment sympas, au milieu du désert. C’est surtout l’occasion de ramener des images avec de la hauteur, ce qui est impossible avec un appareil photo.



Mais il est désormais temps d’attaquer la 2ème partie de mon voyage, l’océan indien, et l’entrée du Kimberley.

Eighty Miles Beach

Je quitte avec regrets le Pilbara, et pour me consoler je me dirige vers 80 Miles Beach, globalement la plage la plus mythique d’Australie. 140 km de sable blanc immaculé, le long d’un océan indien aux couleurs turquoises et à l’eau à plus de 30 degrés, à des années-lumière de toute construction.

Et les regrets vont vite disparaître. Rouler sur 80 Miles Beach, c’est une sensation extraordinaire. Ici, pas de nid de tortues, il est donc autorisé d’y rouler, sans aucune contrainte, si ce n’est de ne pas rester la nuit. Et à ma grande surprise, cette plage de 140 km est totalement déserte. J’y passe toute une journée, mais j’y serai bien resté toute une année ! J’en profite pour faire des films à foison avec le drone, et je tente de survoler l’océan pour repérer des requins, mais sans succès. L’eau est délicieuse, par contre peuplée de pas mal de “trucs” qui ondulent entre les jambes, pas toujours rassurants. J’évite de nager trop loin du rivage, par sécurité. De nombreuses espèces d’oiseaux viennent tremper leurs pattes au bord de l’eau, c’est l’occasion de faire de super photos. Vu la lumière très forte, le filtre UV sur l’objectif est indispensable.

Péninsule de Dampier

Après quelques hésitations, je choisi de concentrer la suite de mon voyage sur la péninsule de Dampier, la partie ouest du Kimberley, extrêmement sauvage. Et je ne serai pas déçu par ce choix. Je remonte une piste tout le long de la côte, enchaînant des bivouacs magiques posés sur une dune, face à l’océan et aux coucher de soleil. Cette piste permet de rejoindre un petit parc national, mais très peu de monde s’y aventure. Et comme la saison des pluies vient de se terminer, la piste est défoncée et détrempée. Il faut parfois couper par la plage, seul passage possible. Le sable est tantôt dur, tantôt très mou. Cela me vaudra un ensablement en règle, mais ça fait partie des plaisirs de l’aventure. Je descends la pression des pneus à 1,2 kg, un peu de pelletage, démarrage en 2nd courte, et ça repart tout seul. Enfin, pour quelques mètres seulement. Il me faudra l’aide du blocage arrière pour pouvoir me sortir de ce passage, mais globalement le Toyota est super à l’aise dans cet environnement.

Comme depuis le début de cette aventure, je ne croise quasiment personne. Ma seule compagnie viendra d’une belle grosse araignée, qui a élu domicile sur la cellule, et que je retrouverai pendant 4 jours. Elle s’est même permise de se fixer sur la vitre conducteur pendant que je roulais sur 80 Miles Beach, à croire qu’elle profitait de ce moment exceptionnel.

Je finis ce super voyage par une après-midi sur Cable Beach, une autre plage très connue d’Australie, également autorisée aux 4×4. D’ailleurs, à l’entrée, le panneau est formel : “4×4 ONLY”. Cable Beach est la plage des habitants de Broome, et c’est surtout leur zone de jeu et de pique-nique. Ici, chacun vient se garer en marche arrière au bord de la mer, en laissant soigneusement une cinquantaine de mètres en chaque voiture. Et c’est l’occasion de sortir la glacière, le store, les tables et chaises de camping, et de laisser jouer les enfants dans l’eau turquoise. Je goûte avec délice à ce plaisir, content de voir un peu de civilisation, et envieux de ce mode de vie, difficile à vivre dans nos contrées.

Ce retour en douceur à la civilisation me permet de me préparer au retour à la vie normale. Il n’est jamais très facile de quitter ce type d’aventure, mais gardons le sourire, ce voyage est loin d’être le dernier !

Merci à l’Australie pour son accueil, sa générosité, merci aux australiens pour leur amour de la nature, et merci à mon épouse pour sa compréhension et sa confiance.

Le matériel à apporter

Les 4×4 de location prévus pour le désert sont bien préparés au niveau pneu et suspension, par contre fournis avec peu de matériel (généralement une pelle, des sangles, et c’est à peu près tout). Certains loueurs fournissent des compresseurs, des CiBi, mais il est assez difficile de trouver un 4×4 équipé Camper avec cet équipement. Je conseille donc vivement d’apporter un petit compresseur, un manomètre, une CiBi et son antenne, un téléphone satellite, un transfo 12->220, et quelques outils. J’emporte aussi avec moi un petit ordinateur ultra léger qui me permet de visionner mes photos et mes films, et donc de m’améliorer au fil du temps.

Le drone Parrot

A force de voyager dans des contrées plates et désertiques, j’étais souvent frustré de ne pas arriver à faire des photos qui expriment cette immensité, malgré l’acquisition de différents types d’objectif.

La solution est venue du drone. Pour un premier investissement, je me suis contenté du Parrot Bebop 2, un produit plutôt grand public mais franchement bon marché. Le Parrot est capable de voler pendant 30 minutes, de suivre le 4×4 à 65 km / h, et surtout de faire des travellings impressionnants tout en roulant, le tout avec une bonne qualité d’image.

Je suis parti avec 4 batteries et un chargeur allume cigare, cela m’a permis de faire de longs vols chaque jour, une batterie se chargeant en 80 minutes. Il faut un peu d’entrainement pour bien piloter le drone, et surtout pour comprendre quoi et comment filmer. Ce qui est très puissant, c’est que le drone est relié par WiFi au téléphone, sans avoir besoin de 3G ni même de connexion Gsm. La portée du signal est de 30 à 40 m, même en roulant à bon rythme. Grâce à cette technologie, il est possible de filmer en roulant, il faut juste régler l’axe de prise de vue, le drone se charge du reste. J’ai posté quelques films sur YouTube, sous la chaîne VoyagesHorsPistes.

Le boitier Iridium Go!

J’ai eu l’occasion d’utiliser des téléphones satellites, généralement de la marque Iridium. Très facile à utiliser, très efficaces, ces téléphones ne sont pas contre pas adaptés à une utilisation pour une connexion Internet.

Iridium a lancé il y a quelques années son boitier “Go !”, qui à mes yeux est la solution idéale. En effet, en complément du Go!, il est possible de prendre un abonnement Data + Voix pour 1 mois, au prix de 170 euros. Sauf que pour ce prix, la Data est illimitée ! J’ai donc pu échanger avec ma famille en plein désert, sans débourser un centime. Evidemment, le débit est très lent, il faut se contenter d’échanges par mail, mais c’est très sécurisant de pouvoir se connecter loin de toute borne 3G. De plus, l’application Go! permet de se connecter à des serveurs météos, ce qui m’a permis de disposer de prévisions fiables, indispensables quand on est juste à la fin de la saison des pluies.

Pour téléphoner, rien de plus simple, l’application installée sur son téléphone portable se connecte au boitier Go!, et on peut appeler avec un son impeccable. Le forfait comprend 2 heures de communication. Au-delà, ce sont les tarifs habituels d’une communication satellite.

Le véhicule

Le 4×4 que j’ai loué est à ce jour unique sur le marché australien de la location. Il s’agit d’un Toyota Hilux 2017 bien préparé au niveau suspension, avec un réservoir de 140 litres, et une cellule Trayon. Cette cellule propose un original toit basculant sur le côté, et offre dans sa partie principale une table pour 2 personnes, une grande cuisine toute équipée, un réservoir d’eau de 110 litres, une douche extérieure, de très nombreux rangement, et un espace lit de 140*200.

Repliée, la cellule ne dépasse pas du 4×4, et son poids plume de 350 kg la fait complètement oublier. De plus le toit du pick-up est toujours libre, il est possible d’y entreposer une tente de toit ou une galerie. La cellule étant fixée haut sur le châssis, elle ne dérange absolument pas dans les passages difficiles. Je ne l’ai d’ailleurs jamais fait toucher le sol, malgré quelques acrobaties du 4×4. Enfin, grand bonheur, la porte d’entrée de la cellule est sur le côté, il n’y a donc aucune entrée de poussière à l’intérieur.

Pour avoir testé plusieurs modes de voyages : tente au sol, tente sur le toit, 4×4 aménagé, toit relevable, énorme cellule, etc, cette cellule compacte mais immense quand elle est ouverte m’a paru être un excellent compromis.

Le budget

Le billet A/R Londres-Perth commence à 900 € en éco, et à 1.600 euros en premium economy, la nouvelle classe intermédiaire qui offre un excellent confort.

La location du 4×4 coûte de 100 à 150 euros par jours en fonction du modèle, de l’équipement, et surtout du loueur !

Pour le reste : rien. Les bivouacs sont totalement gratuits, sauf dans certains parcs nationaux où il faut payer quelques dollars. Le diesel est un peu moins cher qu’en France, et l’alimentation dans les supermarchés est au même tarif.

En faisant uniquement des bivouacs, voyager en Australie n’est finalement pas très cher.

Contact

Films du drone : VoyagesHorsPistes sur YouTube.com