Botswana

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Au pays du Roi Lion

Après avoir découvert la Namibie en 2019, j’avais planifié un voyage au Botswana en mai 2020. Mais comme beaucoup de voyageurs, la pandémie en a décidé autrement.
En 2021, pas question de rester sur un échec, j’avais trop besoin de mon aventure annuelle en solo. J’ai profité d’une accalmie sur le front du Covid pour m’envoler début mai pour le Botswana.

Après avoir étudié en détail les cartes et les rares livres de voyage sur le Bostwana, mon choix s’est porté sur un trajet en forme de 8, avec Maun au centre. Cette toute petite ville perdue au nord ouest du Botswana a l’avantage d’avoir un aéroport bien connecté avec Johannesburg, il est donc possible de quitter le bureau le mardi à 18h, et d’être à Maun le mercredi à 13h. Mon compagnon sera le classique Toyota HZJ 79 avec une cellule AluCab, plus connu sous le nom de « Bush Camper ». L’engin est parfaitement adapté aux pistes du Botswana, et surtout dispose d’une très grande capacité Eau/Carburant/Frigos/Batteries, qui permet de tenir une bonne semaine sans avoir besoin de recharger quoique ce soit.

Et ça tombe bien, car la première partie du voyage sera le Kalahari Central, zone totalement désertique, loin de toute civilisation. A l’entrée de la réserve, il faut se déclarer aux rangers. Je consulte le registre, la dernière personne est entrée il y a trois jours. La réserve est donc quasi vide.

J’y ai passé 6 jours et 5 nuits absolument mémorables, sans croiser un seul être humain. Cette réserve ultra protégée abrite de très nombreuses espèces, et notamment des félins, dont le célèbre lion à crinière noire, en voie d’extinction. Pouvoir bivouaquer au Kalahari se mérite : il faut réserver ses places de bivouacs plusieurs mois à l’avance, les « campsites » minimalistes étant très limités, environ un tous les 80 km, le long de l’unique piste. Les campsites les plus confortables offrent une toilette sèche, un vrai luxe dans ces contrées, mais bien évidemment pas question d’y aller la nuit. Mais dans tous les cas ils offrent cette sensation unique de solitude et de liberté, seul au milieu d’une nature et d’une faune omniprésente. Ici l’homme ne s’est pas imposé, bien au contraire.

Les journées dans le Kalahari sont dictées par la nature : se lever très tôt pour profiter de la faune abondante, mise en lumière par des levers de soleil cinématographiques ; Profiter de la pause de midi pour se faire un vrai repas et préparer son bivouac ; Repartir en safari au coucher du soleil, se trouver un coin discret, ne plus bouger et laisser la nature faire son spectacle ; Rentrer avant la nuit, afin de ne pas servir de repas aux prédateurs ; Allumer un feu pour les éloigner ; S’endormir aux bruits magiques et uniques du Kalahari.

Etant seul et sans guide, la prudence est de mise, et devient le fil conducteur de chaque journée. Pas question de se blesser, il me faudrait trop de temps pour atteindre un médecin. Pas question non plus de se faire attaquer par un gros chat. Je dois donc rester constamment très près du 4×4, et oublier toute velléité de randonnée. La santé du Toyota est aussi primordiale, je ferai très attention pendant toute cette partie du voyage à ne surtout pas casser quelque chose, et à préserver le moteur. Il faut aussi se préoccuper de la consommation de carburant. J’ai beau avoir 180 L de diesel, l’engin en consomme entre 15 L et 20 L aux 100, et J’ai 800 km à faire sur un plein.

La Kalahari offre à son visiteur un spectacle animalier impressionnant : Chaque jour j’ai la chance de croiser des troupeaux entiers d’antilopes et d’oryx, mais aussi des autruches, des girafes, des gnous, des adorables et curieux renards du désert, et de nombreux rapaces. Evidemment il y a des félins, et je verrai beaucoup de traces, y compris le matin autour du 4×4. Par contre n’étant pas du tout aguerri dans la détection de ces animaux très discrets, j’ai vite abandonné l’idée d’en voir, mais c’est un choix quand on voyage seul et sans guide ou ranger. Et finalement le Kalahari en a décidé autrement, je suis tombé nez à nez avec un superbe lion à crinière noire, à moins d’un mètre du 4×4. Moment magique, impressionnant, flippant. Le lion s’était caché dans la végétation, et me fixait de ses yeux noirs. A ce moment, on se demande si les 5mm d’épaisseur de la vitre du 4×4 sont suffisants …

On prend aussi assez vite de bons réflexes pour photographier les animaux : trouver le bon compromis pour avoir si possible le soleil dans le dos, mais le vent de face. Je me suis trouvé des endroits bien cachés où garer le 4×4, en lisière des Pans, ces immenses étendues couvertes d’herbes bien riches pour les mammifères. Dans ces conditions, les animaux me laissent rester assez près d’eux, et m‘offrent des scènes adorables, les femelles ayant mis bas quelques semaines plus tôt.

Direction le Moremi
Après cette découverte dans le Kalahari, il est temps de changer complètement d’ambiance et de filer plein nord pour rejoindre le Moremi, dans le delta de l’Okavango. Le trajet prend une grosse journée, avec un rythme assez élevé. Maun est au milieu du trajet, parfait pour refaire le plein de carburant et de nourriture.

Dès qu’on s’écarte de Maun par le nord, le décor change totalement, l’eau est omniprésente. J’avais choisi le mois de mai car il est suffisamment éloigné de la saison des pluies pour que les pistes soient praticables, malheureusement 2021 a été une année très pluvieuse, et de nombreuses pistes sont encore sous l’eau, y compris la piste principale qui permet de rejoindre Chobe NP. Il faut quitter la piste et emprunter de tous petits passages pour contourner les gués, totalement impraticables. Attention dans ces conditions, sans un très bon GPS et/ou une carte très détaillée, s’aventurer dans ces détours peut devenir très dangereux. Je suis d’ailleurs tombé sur deux couples d’allemands totalement perdus, et en panique. Ils n’avaient ni nourriture, ni eau, ni telsat, et tentaient désespérément de rejoindre leur lodge haut de gamme, en allant dans la mauvaise direction. Tout ce qu’il ne faut surtout pas faire.

Je commence la découverte de cette région par le Khwai, zone ouverte qui offre quelques beaux campsites, et qui permet une bonne entrée en matière de l’Okavango. Et pour une fois, il faut accepter de lâcher le 4×4 et de se faire emmener en mokoro (la pirogue locale), seule solution pour découvrir la faune et la flore au ras de l’eau. Le guide est génial, et m’approche des éléphants à quelques mètres. Sensations garanties !

Le Khwai regorge d’éléphants, mais aussi de zèbres, de singes en tout genre, de hyènes, et évidemment d’oiseaux aux cris et couleurs exubérants. Le bivouac est magique, les éléphants passent à une vingtaine de mètre, en toute quiétude. La nuit, le concert de nombreux oiseaux, entrecoupés des cris des babouins, est impressionnant.

Je continue l’exploration du delta en entrant dans le Moremi, par l’entrée nord. Ce parc national permet d’approcher au plus près l’Okavango, et compte la plus grande concentration d’éléphants au Botswana. Et ce n’est pas du marketing ! Je me suis retrouvé toute un après-midi coincé entre deux troupeaux d’éléphants. J’ai dû cacher le 4×4 entre des arbres, et attendre que tout ce petit monde libère la piste. J’ai compté plus d’une centaine d’éléphants, évidemment de très nombreux petits, protégés par leurs mamans. Dès que je sortais du 4×4 pour faire deux mètres, les mamans ou les jeunes males s’approchaient de moi en me fixant et en battant des oreilles, l’air bien menaçant. Super moment pour faire des photos, mais j’étais quand même bien soulagé quand le troupeau a quitté la piste.

Planté dans la boue
Le Moremi m’a aussi offert une bonne après-midi de jeu dans la boue. Comme à chaque aventure, il y a un moment où l’excès de confiance prend le dessus sur la prudence. Je vois un peu de boue et d’eau sur la piste, sur 30m environ. Je me dis « aucun souci, le Toy va effacer ça sans problème ». Hé bien ce petit passage m’a offert plus de 3 heures à me battre pour sortir les près de 3 tonnes du 4×4 d’un magnifique bourbier. Et ne comptez pas sur les blocages de différentiel, quand un 4×4 est planté, il est planté. Sous 35 degrés, il faut dégager toute la boue, lever l’engin grâce au Hi-Lift, glisser les plaques, dégonfler au maximum et … s’y reprendre une dizaine de fois ! Je suis loin d’être un grand sportif, et rien que la manipulation du Hi-Lift devient vite épuisante. Il faut en plus constamment vérifier qu’il n’y a pas un félin qui s’approche, y compris les éléphants et les phacochères qui n’étaient qu’à quelques mètres.

« Ca t’apprendra ! » comme dirait mon épouse, et ça fait aussi partie du jeu, mais ce n’était pas une partie de plaisir.

Au feu !
Je pensais que mes ennuis s’arrêteraient là, mais j’ai eu une très grosse frayeur deux jours plus tard. En pleine journée, je roule sur une piste en pleine brousse. Je trouvais qu’il faisant bizarrement un peu chaud dans le 4×4, pourtant la température du moteur était normale. Tout à coup, j’entends l’alarme du chargeur de batterie, qui heureusement se trouve dans la boite à gant. Je connais bien cette alarme pour avoir eu le même système dans mon propre 4×4. Comment l’alarme des batteries peut-elle sonner alors que je suis en train de rouler, et donc de charger ? Je regarde le boitier, les batteries de la cellule sont totalement vides. Impossible ! Je regarde alors dans mon rétro et vois de la fumée noire sortir de chaque côté de la cellule.

Je peux vous dire qu’à ce moment, j’ai eu très peur. En pleine brousse, qui s’embrase pour un rien, si le 4×4 prenait feu, mon espérance de vie était très limitée. Je garde toujours à côté de moi mon sac d’urgence (telsat, passeport, CB, argent, eau, nourriture, couteau, trousse de secours, quelques habits). Je le lance loin de la voiture et ouvre ensuite les ouvertures latérales de la cellule. Je vois des flammes autour des batteries de service. Je pense ne jamais avoir prononcés autant de « Pu….. » en quelques secondes. Je jette tout autour du 4×4 tout ce qui entoure les batteries, attrape l’extincteur, et après un temps qui m’a paru une éternité, recouvre totalement les batteries par la poudre de l’extincteur. Je n’avais jamais essayé ça, c’est en fait très efficace.

Le temps de reprendre mes esprits, je démonte le circuit électrique autour des batteries, isole et protège celle qui a partiellement pris feu, teste l’autre et y rebranche un seul frigo.

Je comprends surtout ce qui s’est passé, un peu fâché : les deux batteries de 105 A sont recouvertes d’une plaque de métal, isolée des cosses par une épaisse couche d’une sorte de caoutchouc isolant. Sauf qu’avec le temps et les secousses sur les pistes, les bornes des batteries ont attaqué puis déchiré le caoutchouc. Et quand une épaisse plaque de métal vient en contact direct avec deux batteries chargées à bloc, les étincelles fusent ! Allez savoir pourquoi, le loueur du 4×4 a laissé le manuel d’entretien des batteries coincées entre elles, 40 pages de papier bien sec ne demandant qu’à prendre feu, ce qui s’est passé. J’ai fini la journée en m’arrêtant tous les 5 km pour m’assurer que le feu ne reprenait pas …

Après deux semaines au milieu de cette nature et cette faune abondante, il est malheureusement le temps de rentrer. Je ne pensais pas voir autant d’animaux en totale liberté, et surtout j’ai pu apprécier la démarche du Botswana, qui ne souhaite surtout pas développer le tourisme de masse (direction que prend la Namibie voisine), protégeant sa faune comme il se doit. Il reste peu de pays au monde où l’on peut vivre une telle expérience, sans forcément avoir besoin d’un guide, pour peu que l’on ait un peu d’expérience et surtout le véhicule adapté.

A emporter absolument :
Téléphone satellite, Sangles ou cordes pour accrocher le bois, GPS Track4Africa, Cartes ultra détaillées, produits anti-moustiques, chaussures hautes, appareil photo, jumelles.

Le budget :
De 100 à 140 euros / jour pour le 4×4, en fonction du modèle choisi. Ne pas prendre de 4×4 lowcost dans le Kalahari, il faut beaucoup d’autonomie. 20 à 50 euros / nuit pour les campsites. Beaucoup plus pour les lodges.

Quelques conseils :
Ne pas aller seul dans le Kalahari sans une certaine expérience de ce type d’aventure. Toujours rester très près du 4×4, toujours inspecter les alentours du campsite avant de sortir du véhicule, toujours faire un feu avant la tombée de la nuit. Ne jamais tenter de traverser un gué qui n’a pas de traces de pneus, et je ne parle pas des bourbiers.

Bon à savoir :
Le bivouac sauvage est interdit au Botswana, c’est d’ailleurs pour moi son seul défaut. Par contre il existe des campsites très isolés qui permettent de profiter de l’ambiance de l’Afrique australe. Ces campsites doivent être réservés longtemps à l’avance. Il n’est donc pas possible d’aller au Botswana sans avoir bien préparé son parcours à l’avance, au risque d’être un peu déçu. J’ai effectué ces réservations grâce aux conseils avisés de Tawana Self Drive, une agence locale tenue par un couple de français passionnés. Sans eux, je serai passé à côté de bivouacs mémorables.

Les photos :
Le Botswana offre la possibilité de magnifiques safaris, mais un manque de matériel peut vraiment frustrer le voyageur. Un reflex me semble indispensable, tout comme un objectif au minimum en 300, idéalement en 600, ce que j’ai utilisé pour ce voyage.