Alpes Françaises

Alpes Françaises

De la Durance à l’Ubayette, à travers 2 siècles d’histoire

 

Les cols des Alpes, frontières naturelle entre la France et l’Italie, ont toujours représentés des axes stratégiques, qu’il a fallu protéger. Au fil des siècles, que ce soit Berwick, Vauban, Séré de Rivière ou plus récemment Maginot, de nombreux généraux ou politiques ont laissé leurs noms sur de magnifiques ouvrages alpins, souvent construit dans des conditions difficiles, véritables prouesses techniques réalisés au nom de la paix. C’est à la recherche de ces traces d’histoire que nous allons traverser trois vallées, pour terminer par un bivouac à plus de 2.000 m d’altitude.

 

Les cyclistes et les randonneurs 4×4 ont, sans le savoir, un héros commun : Le général Baron Serge. Ce cher général, à la fin du XIXème siècle, sous l’effet de la psychose d’une menace transalpine, fit entreprendre de grands travaux à travers les Alpes, afin de faciliter le transport des troupes.

C’est ainsi que sont apparus le fameux col du Galibier, mais également de l’Isoard, de Restefond, et de tant d’autres. Parmi ceux-ci, le col du Parpaillon, peu connu des cyclistes mais piste quasi mythique pour les randonneurs à moteur, fut aménagé pour relier la vallée de l’Embrunais à la vallée de l’Ubaye.

Cependant vue la forme trop escarpée du col culminant à 2.780 mètres, il fut décidé la construction d’un tunnel 140 mètres plus bas et mesurant 520 mètres de long. Notre général Baron Serge n’était pas le premier à s’intéresser à ce passage entre ces deux vallées stratégiques, puisque le maréchal Catinat avait déjà fait établir un chemin praticable par ses troupes au même endroit, mais deux siècles plus tôt.

La piste du Col du Parpaillon, ça commence par un départ depuis le joli village de Crévoux, niché sur les hauteurs de la vallée de la Durance, à quelques kilomètres à l’est d’Embrun. Inutile de prévoir les chaines ou autre équipement pour l’affronter en hiver, la piste y est officiellement fermée et franchement impraticable.

C’est donc l’été que l’on profite du Parpaillon, et les paysages vierges de toute présence humaine y sont un havre de paix, surtout comparé au tumulte du lac de Serre Ponçon. La balade part de Crévoux, et on se retrouve tout de suite sur la piste du col. Large et bien entretenue, cette piste serpente dans la vallée aride et croise quelques chalets isolés. On est très vite saisi par le paysage et l’immensité des lieux.

La montée, sur une quinzaine de kilomètres, prend une petite demi-heure. Bien qu’il n’y ait aucune difficulté particulière, cette piste nécessite au minimum des pneus mixtes, car les cailloux et pierres saillants y sont légions. J’y ai croisé de nombreuses crevaisons, et n’espérez pas voir une dépanneuse monter ici ! Quelques voitures plates empruntent la piste, mais font généralement demi-tour à la moitié, la deuxième partie étant constituée de virages serrés et assez rocailleux. C’est d’ailleurs à partir de là que le paysage prend toute sa splendeur, quand la forêt laisse place aux alpages, et que les marmottes font leurs apparitions.

Les dernières épingles passées, le fameux tunnel se dresse devant nous. C’est toujours impressionnant, à 2.644m d’altitude, de se retrouver devant cette construction massive. Entièrement vouté et réalisé en pierre de taille, le tunnel du Parpaillon a été réalisé entre 1891 et 1898, preuve de la difficulté technique. Un dernier regard et une dernière photo en direction de la verdoyante vallée de la Durance, et nous pouvons attaquer la traverser du tunnel.

La première impression est toujours assez rassurante, la pierre de taille est en très bon état, le sol est plat, on se dit qu’il faut juste garder en ligne de mire le minuscule point de lumière qui annonce la sortie du tunnel. Sauf qu’après avoir parcouru 100m, la voute se révèle en très mauvais état, de nombreux morceaux se sont effondrés, les murs ne sont plus droits, et le sol devient une étape de franchissement !

La partie la plus impressionnante reste le centre du tunnel, légèrement plus haut que les deux entrées, et systématiquement recouvert de glace, dont l’épaisseur est suffisante pour ne pas craquer sous le poids de la voiture. Le passage devient donc technique, et pas forcément rassurant. Il convient donc de s’y aventurer en connaissance de cause. Le conducteur doit bien être conscient qu’il est impossible de faire demi-tour, le tunnel est à peine plus large que la voiture, et que forcément ni Ci-Bi ni téléphone portable n’y fonctionnent. S’y engager seul n’est donc pas recommandé.

Là où la difficulté se corse, c’est si l’un des passagers doit sortir du 4×4, notamment pour guider le conducteur, car la température est en dessous de zéro, avec un vent constant chargé d’humidité. Vêtements chauds, bonnes chaussures et lampe frontale indispensables !

La traversée des 520 m se finit en douceur, et c’est avec émotion que l’on découvre un paysage complètement différent, fait uniquement de roche, et donc dénué de toute flore. La plate-forme de sortie de ce tunnel offre un magnifique panorama, notamment le pic de Viraysse, objectif de la journée. On découvre ici quelques ruines, il s’agit des baraquements qui avaient servis d’abris aux ouvriers du tunnel.

La descente peut alors commencer, direction La Condamine-Châtelard, et la vallée de l’Ubaye. La piste est un peu moins large, et peut être très boueuse par temps humide, mais ne révèle pas de difficulté particulière. Après une descente d’une vingtaine de minutes, nous rejoignons la Chapelle Sainte-Anne, où la piste est remplacée par du goudron. Reste alors à descendre jusqu’au village de La Condamine, qui sera l’occasion de faire quelques courses en prévision du bivouac du déjeuner.

Après avoir pris la D900 sur 600m, direction Nord-Est, nous découvrons face à nous l’exceptionnel Fort de Tournoux, un ensemble fortifié unique en France, s’étalant sur 550m de dénivelé. Un parking à son pied et un petit chalet d’information ouvert l’été permet d’étudier l’ouvrage, dont les principales structures ont été construites entre 1847 et 1862, mais dont les évolutions se sont prolongées jusqu’en 1914.

Après avoir quitté le parking du fort, nous quittons le goudron 300 m plus loin, pour attaquer la montée vers le fort de Roche La Croix. Cette fois-ci il s’agit d’une belle piste en pleine foret, sans difficulté, qui nous amène après 20 minutes de montée à une piste large et totalement horizontale, caractéristique dû à la présence par le passé d’une voie étroite de chemin de fer, destinée au transport de matériel et de munitions.

Et c’est justement au bout de cette piste plate, à 1.908m d’altitude, que nous découvrons la place forte de Roche La Croix, sorte de petit hameau fortifié totalement abandonné au cœur de cette montagne. C’est toujours impressionnant d’y arriver, car les bâtiments sont conséquents, et traverser l’unique ruelle avec son 4×4 nous plonge 80 ans en arrières. Je devrais d’ailleurs dire 140 ans en arrière, puisque Roche La Croix a d’abord été un ouvrage « Séré de Rivière », du nom du général qui a fortifié les frontières française en 1870, puis complété en 1930 par un ouvrage Maginot, cette fois-ci enfoui sous terre.

C’est l’occasion de stopper son 4×4 et de profiter du panorama à 180 degrés, allant de la vallée menant au col de Vars sur notre gauche, le village de Meyronnes en face et le col de Larche sur notre droite, marquant la frontière avec l’Italie. C’est aussi l’occasion de découvrir l’ouvrage militaire Maginot, surpuissant grâce à sa tourelle de 75, qui a été réalisé entre 1931 et 1936, et dont le rôle était de stopper toute invasion italienne, appuyé par les ouvrages de Saint-Ours, par le Fort de Tournoux, et par la batterie de Viraysse. Cette impressionnante armée de béton a participé à la bataille de juin 1940, et a parfaitement joué son rôle en stoppant net la tentative d’invasion italienne. Pour la petite histoire, c’est dans les Alpes que la Ligne Maginot, tant décriée par son inefficacité dans l’Est de la France, a parfaitement joué son rôle en stoppant toutes les tentatives d’invasions italiennes, de Menton à Modane.

Après cette pause bien méritée, il est temps de reprendre la piste, en rebroussant chemin sur deux kilomètres de piste, puis en prenant à droite à l’embranchement, direction Meyronnes et la vallée de l’Ubayette. La descente jusqu’au fond de la vallée a été bétonnée, car l’angle est impressionnant. Attention à anticiper tout croisement, car une marche arrière serait compliquée. La piste se termine par un pont de bois supportant 3 tonnes, et nous retrouvons le goudron pour quelques kilomètres, direction le village de Saint-Ours.

C’est juste après le petit ouvrage de Saint-Ours Bas que nous prenons à gauche la route qui monte au village de Saint-Ours, sur deux kilomètres, jusqu’au début de la piste qui nous mène à l’objectif de la journée, la batterie de Viraysse. A 1926m d’altitude, nous prenons la petite piste sur notre gauche, et le conducteur doit se préparer à affronter 13 épingles serrées, sur une piste à peine plus large que le 4×4. Les châssis longs ne sont donc pas à la fête, mais je tiens à les rassurer : ça passe ! Que le conducteur se tranquillise, passé cette difficulté, la piste devient agréable. Arrivé au niveau d’une cabane, prendre la montée à droite, pour contourner le Rocher Piroulire, qui à son sommet détient une cabane d’observation datant de 1930, et reliée par câble téléphonique souterrain avec l’ensemble des fortifications évoquées dans cet article ! C’est en quelque sorte un ancêtre d’Internet.

La montée se finit en douceur jusqu’à l’arrivée aux baraquements de Viraysse, une place forte ressemblant étrangement aux fortins américains du XIXè, et qui servait de camp de base aux ouvriers qui s’attelaient à la construction de la batterie, quelques 270 m plus haut. C’est d’ailleurs l’endroit idéal pour monter le bivouac pour la nuit, car l’on se trouve au fond d’une vallée, et donc bien à l’abri des vents.

Les plus courageux attaqueront à pied la montée jusqu’au nid d’aigle, que l’on a pu apercevoir depuis le matin. La montée prend environ 30 minutes, sans réelle difficulté, si ce n’est le dénivelé important. L’arrivée à l’ouvrage offre un panorama à presque 360 degrés, dominant toutes les Alpes du Sud, et offrant une vue jusqu’aux chaines du Queyras. Avec de bonnes jumelles il est possible de voir la sortie du tunnel du Parpaillon.

L’ouvrage appartient depuis quelques années à un propriétaire privé, il n’est donc pas possible de le visiter. Quelques travaux de rénovation ont été entrepris, mais l’inaccessibilité du site impose un ravitaillement par hélicoptère, ce qui complique la tâche. Pour ceux bien équipés en lampe frontale, l’idéal est de rester là-haut pour admirer le coucher du soleil, mais en faisant bien attention dans la descente nocturne.

La journée se finit par un bivouac bien mérité au cœur des baraquements, le retour se faisant le lendemain matin, au milieu des marmottes.

Pour les randonneurs ayant un peu plus de temps, il est possible de faire cette balade sur 2 jours, en consacrant une demi-journée à la visite soit du fort de Tournoux, soit de l’ouvrage de Roche-La-Croix. Une association de passionnés vous assure une visite complète des sites. Possibilité dans ce cas là de faire le bivouac dans la montée à Roche-La-Croix, il existe une plate-forme très agréable au milieu de la forêt. Pour les visites, il faut se renseigner auprès des offices de tourisme de Jausiers ou de Barcelonnette.

Tourisme :

Crévoux : www.crevoux.fr

Visiter le Fort de Tournoux : http://www.jausiers.com/#se-cultiver/patrimoine-fortifie

Visiter l’ouvrage de Roche la Croix : http://www.jausiers.com/#se-cultiver/patrimoine-fortifie

Préparation :

Se renseigner auprès de la commune de Crévoux pour savoir si le tunnel est ouvert. Fermetures fréquentes l’été en cas de fortes pluies.

La piste qui monte à Roche La Croix au départ de la Condamine est parfois fermée. Faire le tour (quelques kilomètres) par Meyronnes

En cas de panne, il y a un garage ouvert tout l’été à Barcelonnette

Conseils persos :

En montant au Parpaillon, on croise généralement des randonneurs à pied ou à VTT. Il est vraiment capital de respecter ces usagers de la montagne, soit en roulant au pas, soit carrément en coupant le moteur quand on les croise. Il faut vraiment comprendre que le déplacement et le bruit de nos véhicules peuvent altérer leur plaisir, et, si l’on veut pouvoir encore circuler librement sur les belles pistes des Alpes, le meilleur réflexe est encore de donner une bonne image de nous-mêmes. Je stoppe systématiquement ma Jeep quand je croise un randonneur, et je propose un « Bonjour » souriant. Certes il est rare que le dit-randonneur me réponde, mais il y a toujours une expression de respect dans son regard. C’est peu, mais c’est le minimum si l’on souhaite conserver notre liberté d’évolution.